Mystère de la tombe et histoires de Luthérien.
2022 – 2025
La tombe « de » J.Nicklaus Stroh et de son épouse Catharina Bricka » du cimetière de Fénétrange fait partie des photos prises par les bénévoles pour sauver les vielles tombes. Fénétrange était LA ville de la baronnie, lieu de pouvoir et des familles nobles et bourgeoises. La famille Bricka est mentionnée dans l’histoire de la ville. Il est intéressant de découvrir si des Stroh sont restés en territoire Lorrain et Catholique (notre branche Stroh a migré de quelques km vers l’Alsace Bossue au XVIIe ) et d’en savoir plus sur ces Bricka-Stroh au XVIIIe.
Quatre paragraphes:
I Identifier Nicklaus et Catharina ?
II Oui, nous pouvons les situer dans l’arbre Stroh & Co
III Métiers des Bricka-Stroh au 17e et 18e
IV Chronique Judiciaire en 1756 (« Comique » vue de 2025)
V Tensions religieuses
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-I- Identifier Nicklaus et Catharina ?
Le relevé de la tombe
J. Nicklaus Stroh. Naissance: Weibesweiller 25 Juillet 1795 – Décès: 30 Novembre 1876
Catharina Bricka épouse Stroh. Naissance: Finstingen 26 Octobre 1792 – Décès: 14 Décembre 1878
A première vue, aucun relevé généalogique sur internet . Ni dans l’arbre Stroh & Co. Mais certaines coïncidences font penser qu’une erreur de relevé des dates sur les documents administratifs invisibilisent les 2 gisants.
Dans le relevé de mariage ci-dessous, dont nous n’avons pas trouvé le document original , nous relevons la coïncidence très improbable que pour chacun des mariés le nom / le lieu / le Jours / le Mois de naissance sont identiques à ceux de la tombe mais pas l’Année de naissance ! Nous en concluons que le relevé « Numérique » du document de mariage (1834) est approximatif et que les dates de naissance sur la tombe font foi et que la recherche peut être poursuivie sur internet en gardant les « mauvaises » années de naissance ( 1797 au lieu de 1795 pour J.Niklaus et 1795 au lieu de 1792 pour Catherine) . A noter que sur la tombe, Finstingen est le nom de Allemand de Fénétrange. De même Wiebersweiler pour Vibersviller. Obligation en 1876 de germaniser totalement les tombes.

-II- Oui, nous pouvons les situer dans l’arbre Stroh & Co
L’analyse des données montre que les ancêtres et les contemporains des 2 gisants étaient localisés sur quelques kilomètres entre Fénétrange, Visbersviller et la principauté de Bouquenom . On retrouve, au-delà des familles Bricka et Stroh, les Weiss, Schmidt et Muller déjà très présents dans l’Arbre Stroh & Co. Dans des branches cousines Bricka, non développées ci-dessous, on trouve aussi les familles Herrenschmidt et Wack bien visibles dans l’arbre principal. Les mariages s’organisaient à portée de charrette!
Les ancêtres de Catherine Bricka sont plutôt des bourgeois comme le montrent les textes des chapitre 4 et 5 de cet article. A noter que les ancêtres de Catherine sont aussi « nos » Stroh jusqu’à Abraham! C’est plus difficile pour Jean Nicolas de remonter au-delà de 3 générations de Stroh. Au lecteur d’essayer !

-III- Métiers des Bricka-Stroh
Quelques mots sur les métiers des Bricka, relevés dans l’arbre:
Jean Jacques Bricka (né en 1625) , cordonnier, exerçait en complément comme Kirchencenzor et Gerichtsschöffe. Un bourgeois investi dans sa communauté!. Le Gerichtsschöffe ou Schöffe était un juge non-professionnel. Il assistait le juge titulaire dans la fixation de la peine. L’exercice de cette activité ne procurait pas des moyens d’existence suffisants en soi car il s’agissait d’une profession accessoire. Les « Gerichtsschöffe » exerçaient en complément d’autres activités telles que l’administration de l’église (Kirchencenzor) ou vaquaient à leurs occupations en tant que simples agriculteurs. Aujourd’hui encore, les « Schöffe » sont nommés à titre honorifique.
Le Kirchencenzor ou Censeur d’Église est aussi traduit par Censeur des mœurs ou responsable de la vie de la paroisse luthérienne.
Le grand-père de Catherine, Johann Peter, était un tanneur rouge. Le Rotgerber était l’artisan tanneur qui transformait les peaux d’animaux en cuir à partir d’écorce de chêne finement broyée. C’est un composé déterminatif de l’adjectif rouge et du nom Gerber. Le tanneur teintait le cuir du rouge au brun, d’où le nom de tanneur rouge.
Le mégissier prépare les petites peaux (agneaux, moutons, chèvre). Il tire son nom du mégis, bain à base d’eau, de cendre et d’alun dans lequel étaient trempées les peaux. La mégisserie traite les peaux de chèvre, chevreau, mouton et agneau. La tannerie transforme en cuir toutes les autres peaux.
-IV- Chronique Judiciaire en 1756 (« Comique » vue de 2025)
…qui met en scène Christine, une grande tante de Catherine Bricka et sa cousine germaine Eva.
Un aspect comique … mais les antagonismes religieux devaient générer pas mal de travail administratif, sans vouloir prendre parti ! Avec cette chronique difficile de penser que les Stroh et Bricka restés à Fénétrange étaient devenus catholiques!
Procès de la procession du Saint Sacrement en 1756
Constat de Police:
il y avait une assemblée de filles luthériennes, lesquelles voyant passer la procession auraient craché et jeté des pierres sur certaines personnes de ladite procession, du haut des vitres de ladite maison. De tout quoi le comparant a fait son présent rapport pour servir et valoir ce que de raison, de quoi a requis acte et a signé après lecture et interprétation. Signés : C. Holz. A. Rodé.
Traitement judiciaire:
Le vingt-six Juin 1756, entre l’avocat procureur du roi au Bailliage et la police de Fénétrange, demandeur.
Contre Jacob Bricka, maître cordonnier et bourgeois de cette ville, défendeur.
Le demandeur a conclu qu’en conséquence du rapport fait par C. Holz, garde de police juré de cette ville du 21 juin courant, lorsque la procession du Très Saint Sacrement passait par la rue dite Woustgasse, il fut jeté par les fenêtres d’une chambre haute dudit Bricka par des personnes inconnues des pierres et craché sur diverses personnes qui suivaient la dite procession au grand scandale du public et mépris de la religion, ledit Jacob Bricka soit condamné par corps à deux cents francs d’amende applicables à la décoration de l’église paroissiale de cette ville et à tenir prison pendant quinze jours, comme étant responsable de faits pareils qui se commettaient dans sa maison, avec défense à lui et à tout autre de récidiver à pareils faits sous peine de punition exemplaire et que la sentence qui interviendra sera lue, publiée et affichée aux lieux accoutumés de cette ville, aux frais du dit Bricka. Signé : Pillot de Videlange.
Et Jacob Bricka mandé à cet effet et comparant en personne a dit et déclaré être innocent du fait dont il s’agit, si ce n’est qu’il sait que lorsque la procession passait devant sa maison sa fille Christine et Eve Kugel, fille de Jacob Kugel bonnetier et bourgeois de cette ville, sa cousine, étoient ensemble dans la chambre haute de la maison dont les fenêtres donnaient sur la rue ou passait la procession. Nous suppliant d’avoir égard à sa remontrance, de quoi a requis acte et a signé : Johann Jacob Bricka.
Et à l’instant sont comparues les dites Christine Bricka et Eva Kugel, mandées à cet effet, lesquelles nous ont dit et déclaré, savoir la dite Christine Bricka qu’effectivement, étant avec la dite Eva Kugel, sa cousine dans la susdite chambre, où elles regardaient passer la procession, elles crachaient par la fenêtre, non pas dans le dessein d’insulter personne de celles qui assistaient à la procession, ni d’en mépriser les cérémonies, si son crachat est tombé sur quelqu’un, ce n’est que par un pur hasard et la dite Eva Kugel a dit aussi qu’elle était avec la dite Christine Bricka dans la dite chambre, sur la fenêtre de laquelle s’étant appuyée pour regarder la procession, elle était à côté d’un pot de fleurs, ou s’est trouvée une petite pierre ou de la terre qui est tombée par accident, en voulant mettre de côté le dit pot de fleurs, sur quelqu’un sans savoir sur qui et sans l’avoir fait à dessein et ni avec mépris de la religion. Nous suppliant d’avoir égard à leurs remontrances, d’autant plus que les faits dont on les accuse, n’ont été commis par elles que par inadvertance, par innocence et sans aucune mauvaise volonté, de quoi ont requis acte et ont signé et marqué (Christine Bricka), Eva Kugel.
Parties ouïes, Nous avons condamné les d. Christine Bricka et Eva Kugel conjointement, solidairement et par corps à deux cents francs barrois d’amende applicables à la décoration de l’église paroissiale de cette ville, à tenir prison pendant quinze jours avec défense à elles et à tout autre de récidiver à pareils faits, sous peine de punition exemplaire, et ordonne que notre présente sentence sera lue, publiée et affichée aux lieux accoutumés de cette ville à la diligence de l’avocat procureur du roi et aux frais des d. Christine Bricka et Eva Kugel. Fait et jugé en police à Fénétrange ledit jour 26 juin 1756. – d’Hame.
L’amende ci-contre a été payée au soussigné greffier par les dénommées dont elles sont irrévocablement déchargées, à Fénétrange, le 3 juillet 1756. — Rodé.
Remis au Sr Huber, receveur de l’église. — Ch. Huber.

Nous relevons dans le texte ci-dessus, tiré de la Revue d’Alsace, qu’Eva Kugel, la cousine de Christine, a 21 ans au moment du procès de 1756.
-V- Tensions religieuses
La situation est instable autour de Fénétrange, Bouquenom et Lixheim au 18e (1). Ci-dessous une compilation de quelques incidents entre les luthériens et les autorités qui pointe les tensions religieuses après le rattachement de ces 3 mini-principautés (2) à la Lorraine.
(1) les chroniques Alsaciennes souligne le durcissement du traitement des luthériens lors du changement de règne du Duc Leopold ( Léopold Ier de Lorraine, dit le Bon, 1679-1729) au Roi Stanislas Leszczynski. (roi de Pologne, grand-duc de Lituanie et duc de Lorraine,1677–1766)
(2) Baronnerie de Fénétrange, Prévauté de Lixheim, Principauté de Bouquenom
Pas de luthérien à Bouquenom (à 14 km de Fénétrange).
Arrêté du 16 août 1755. A la Chambre de police, a comparu le substitut syndic, qui dit être informé que le nommé Bricka de la religion luthérienne qui a épousé la veuve de Jacob Lerch – il s’agit de l’arrière grand-père de Catherine- fait sa résidence dans cette ville, que le comparant sait qu’il y a environ six mois, il y eut placet –une faveur- présenté à Monseigneur le Chancelier à ce sujet de la part du dit Bricka, mais il n’a pas pu reprendre une décision qui lui permit de s’établir à Bouquenom, et comme cet établissement est contraire aux ordonnances du souverain rendues de tout temps pour la ville de Bouquenom contre les luthériens étrangers. Le comparant requiert à ce que le dit Bricka soit à l’instant mandé à la Chambre de police pour y répondre sur la permission qu’il aurait pu obtenir pour y faire sa résidence, sinon et à défaut de ce, le condamner à sortir et à quitter la ville dans le jour pour aller établir sa demeure où il jugera à propos et condamner la dite Lerch sa femme pour avoir gardé et tenu chez elle à 50 écus d’amende et en cas qu’il y séjournerait plus longtemps, le condamner à dix francs par chaque jour qu’il restera. De quoi le comparant à requis acte. Colin.
Et à l’instant, nous avons mandé ledit Bricka qui nous a prié de lui accorder quinze jours pour se pourvoir aux grâces du Roy pour avoir la permission de résider dans cette ville, ce que nous lui avons accordé. – Mulotte, Sciiumackek, Avis, Claude.
Et aujourd’hui 15 septembre 1755, le substitut syndic nous ayant remontré que le dit Bricka n’avait pas satisfait à notre ordonnance du 15 août, requiers que le dit Bricka soit attendu à quitter la ville selon les ordonnances.Nous faisons droit sur lesdites réquisitions avons ordonné au dit Bricka de sortir de cette ville pour aller faire sa demeure où il jugera à propos, à peine de dix livres pour chaque jour de retard. – Mulotte, Avis, Schumacker, Claude.
Il est possible que la conséquence de cette ordonnance soit l’installation des Bricka à Vibersviller.
« Réduire » les bourgeois luthériens en Lorraine
Le duc Léopold avait observé fidèlement le traité de Ryswick, les protestants avaient conservé leur titre de bourgeois, et même il avait été donné aux luthériens venus à Fénétrange après 1670. Les enfants héritaient du titre paternel et ils étaient admis aux honneurs municipaux Les catholiques dans le cours du procès précédent les avaient qualifiés de prétendus bourgeois, mais cette qualification n’avait pas été maintenue au fond.
Mais le Roi Stanislas écrivit de Lunéville le 25 mai 1766 au comte de Saintignon, grand bailli d’épée, qu’il refusait d’admettre au nombre des bourgeois les nommés Hauer et Havelat, luthériens quoique fils de bourgeois par les lignes paternelles et maternelles, reçus dans le cours du dix-septième siècle et avant le traité de Ryswick. Cette exclusion était un premier pas pour exclure les luthériens de la bourgeoisie. C’était assez, ajouta-t’il, que la religion luthérienne fut tolérée.
Forcer les luthériens à rejoindre l’Alsace (à quelques kilomètres)
Les catholiques, dans un placet envoyé à Lunéville -lieu de résidence du Roi Stanislas-, avaient demandé l’expulsion de quelques luthériens établis en ville contrairement aux ordonnances. Dura lex, sed Ux. Ils allégeaient que « par une contravention affectée à ces mêmes ordonnances, les luthériens avaient acquis les deux tiers des bans de Bouquenom et de Saarwerden, quoique cela leur ait été interdit, qu’ils achetaient des catholiques à quelque prix que cela soit pour parvenir au but d’avoir la supériorité et de mettre les catholiques qui se présentent en foule hors d’état d’y pouvoir établir leur domicile « . Ils insistaient enfin à ce qu’on ne laissât plus des religionnaires étrangers se fixer dans la ville et qu’il fût défendu à leurs concitoyens protestants d’acheter du bien aux catholiques sans la permission du souverain – ils ne pouvaient pas chasser frontalement les protestants selon les accords de Ryswick-.